jeudi 9 décembre 2010

Back to riots

Cher lecteur,

Hier, lundi 6 décembre, était le jour anniversaire du meurtre d'Alexis Grigoropoulos, 15ans, par un policier. Et Simon me montre fièrement sa cuisse qui porte l'empreinte de Rangers pointure 44.

Recadrons les faits : il existe un quartier dans Athènes, exarhia, lieu de rassemblement des anarchistes et autres "extrémistes" de gauche. C'est aussi un lieu convivial où il fait bon boire et écouter de la musique. Peu importe, la police encercle le quartier en permanence ("c'est là où il y a les méchants"). 
Korkoneas, ou "Rambo".

Lors d'un contrôle nocturne, un adolescent est tué à la suite d'un échange de mots quelque peu épicés avec le couple policier. Le coup part. D'après Korkoneas, l'auteur du tir, c'est un ricochet qui a tué le jeune homme, et c'est ce qu'il dira à la cour. Cependant, il s'agit bel et bien d'un meurtre de sang froid. 
La rumeur se répand dans le quartier, dans la ville et dans l'ensemble du pays. Les gens se lèvent et se révoltent. Ce sont les émeutes de 2008 : voitures enflammées, vitrines brisées...Qui dureront près d'un mois.

http://www.courrierinternational.com/article/2008/12/08/la-revolte-d-une-jeunesse-sans-avenir


Ce meurtre est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. La population grecque doit faire face au manque d'efficacité du gouvernement : mainmise sur la lourde bureaucratie, la justice et l'économie impliquant pots-de-vin alléchant et pistons en tout genre ; ainsi que son absence totale lors des incendies qui ont ravagé le pays. A sa corruption : différentes affaires (jeux olympiques, monastère du Mont athos, prostitution pour passer de l'argent sale au sexe... ). 
Bref, c'est la merde, ça sent pas bon.


Ajoutons à ce délicieux fumet le fait que la Grèce est soumise à une dette défiant toue concurrence. S'il y a des coupes budgétaires, elle se font dans un premier temps par le gel des salaires et la réduction du budget voué à l'éducation (entre autres)... "[The government] has also partially privatised ports and plans to do the same with hospitals and schools - at a time when one in five live in poverty and youth unemployment stands near 25%, the highest in Europe." (the guardian)  
La nouvelle génération grecque (qui correspond à la nôtre) n'a donc pas réellement d'échappatoire dans l'avenir : la génération "700euros" (salaire moyen une fois le diplôme empoché) est au bord de l'asphyxie.

Et bam alexis grigoropoulos est tué par un policier.
"Police violence is not new, it is just that previous victims have been immigrants or Roma and so do not make the media." (The guardian)


Quelle réaction peut on attendre si ce n'est la violence ? Existe il un autre moyen de se faire entendre par un gouvernement autiste ? Mais ce qui est effrayant, c'est que c'est un mouvement de masse.

"The teenagers and twenty-somethings who have come close to toppling the Greek government are not the marginalised: this is no replay of the riots that convulsed Paris in 2005. Many are sons and daughters of the middle classes, shocked at the killing of one of their own, disgusted with the government's incompetence and corruption, enraged by the broken promises of the education system, scared at the prospect of having to work still harder than their exhausted parents."(The guardian)


"En clair, le vandalisme que l’on constate est à condamner en soi, mais il faut le replacer dans le contexte explosif de ces derniers jours et le contexte global du pays qui les connaît. « Il faut vraiment être aveugle, continue le journaliste, pour ne se focaliser que sur les excès qui se greffent (et même si quelques individus exploitent la situation) sur la contestation sociale soulevée par un crime et par une accumulation de désespoir qui n’attendait qu’une occasion pour exploser. Il faut vraiment être aveugle pour ignorer la réalité de ces dernières années qui voient la légalité, celle qui doit définir le fonctionnement d’un « Etat de droit » réel et non mensonger, être détruite. »"(http://pressealagrecque.cafebabel.com)

Ces derniers mots sèment le doute, mais ce qui est certain c'est que la violence m'effraie. C'est pour cette raison que je n'ai pas suivi la manifestation en l'honneur de la mort du jeune homme. Dès le début, les poubelles sont incendiées, les stations de bus brisées, certains trottoirs et façades de mur détruits... 



la résultante de ces actes vandales évidemment jetée contre les monsieurs verts. Le tout dans l'attente qu'ils chargent et qu'ils montrent encore une fois qu'ils sont mieux entraînés que les civils, qu'ils sont plus forts et mieux équipés.
Le tout est bien sûr agrémenté de bombes lacrymogènes, leur odeur m'ayant permis de suivre la marche de loin.

la bombe lacrymogène à la main
 
Une anarchiste a dit que le seul moyen de se faire entendre était la violence. Moi je pensais que c'était le nombre qui permettait de se faire entendre. Et combien de citoyens fuient ces manifestations par peur ?
Parce qu'évidemment les représailles policières ne sont pas sélectives : on rentre dans le tas et on frappe à tout va, à qui aura le plus de détenus à la fin de la journée...
C'est vrai que les forces de l'ordre sont les représentants de l'autorité tout ça, mais à quoi bon se jeter contre eux ? On peut les blâmer certes : il apparaît que le nombre de policiers paranoïaques et réellement violents augmente.
Cependant, je continue à croire que conserver la violence comme moyen d'expression ne fait qu'envenimer la situation, qu'elle n'amène a rien.
Et en même temps, il ne s'agit pas d'une révolution mais d'une révolte contre cette situation poisseuse. Il ne s'agit pas de rétablir un nouvel ordre mais de clamer son mécontentement, de rappeler qu'on n'a pas d'avenir dans un pays en faillite.
(http://www.courrierinternational.com/article/2009/04/23/comme-un-air-de-revolte

"The demands of the young are hard to formulate. They want an end to police violence; they want to change things; they want jobs, and hope; they want a better system. If the wish list is slightly vague, the problem itself is amorphous and difficult to name: a crisis of values and institutions, society and economy, vision and leadership." (The guardian)


Pour revenir au cœur du sujet, la période qui a suivi le 6 décembre 2008 a été un cauchemar pour les forces policières qui n'étaient pas préparée à la situation.
"Thousands of protesters hurled stones and Molotov cocktails at police yesterday, as Greek police reportedly began to run out of teargas after a week of riots that have seen the streets of major cities turned into virtual war zones. Police sources say they have used more than 4,600 teargas capsules in the past week and have contacted Israel and Germany for fresh stocks." (The guardian)


Le tir a été réajusté l'année suivante puisqu'environ 6000 policiers étaient déployés dans les rues d'Athènes le jour J, que 800 personnes ont été arrêtées avant la manifestation en guise de prévention, qu'une loi proscrivant le port de la cagoule, capuche, écharpe a été élu permettant d'arrêter toute personnes l'enfreignant.(Mouais... Je n'ai jamais vu autant de personnes encagoulées lundi dernier).

"Le 6 décembre [2009], le journal Eleftherotypia dressait un premier bilan de ce qu'il considère comme une dérive policière: « 200 condamnations, plus de 1000 arrestations, 60 gardes à vue, utilisation abusive des caméras par les forces de police, prélèvement obligatoire d'ADN même en cas de petit délit... » Le pire, selon Christos Zerbas, auteur de l'article, c'est que les mesures très controversées adoptées par le précédent gouvernement en matière de sécurité, en particulier la fameuse loi anti-cagoule, qui permet aux forces de police de procéder à un contrôle musclé de toute personne cachant son visage par un couvre-chef un peu... couvrant (comme le font en général les casseurs, tout comme les simples citoyens grippés, par exemple) non seulement n'ont pas été abrogées par le nouveau gouvernement qui l'avait promis, mais ont même été appliquées de façon zélée. Le journal plaide pour le changement rapide de ces lois de sécurité, qui devrait intervenir dans le premier trimestre 2010." (http://pressealagrecque.cafebabel.com)


"The citizen protection ministry asserts the measures averted the sort of widespread destruction that occurred last year. Police preventively detained 806 individuals nationwide for identification. Only a quarter of those detained nationwide between December 4 and 8 were charged with offences. That included disturbing the peace, property damage and resisting authority.[...] Central Athens on December 6 seemed a city under police siege, as a force of nearly 5,000 police filled the streets, while police helicopters were used for aerial surveillance. A huge march by university and school students, teachers and parents was carried out largely peacefully on December 7. But many protesters charged police excesses, including cases where police motorcycles weaved into blocs of marchers. " " (Athensnews)
 


L'année 2010 a pourtant été plus calme : "A total of 96 people were detained, of which 42 were slapped with charges, with the rest freed. " (Athensnews)

"Police said the three injured were a man beaten by youths who suspected him of being a plain-clothes police officer, a woman suffering from shock after a flare exploded next to her at the junction of Ippokratous and Panepistimiou streets and a man found injured in unknown circumstances on the corner of Aiolou and Stadiou streets.[...]Authorities said 2,000 police were posted around the capital and another 1,000 were standing by. " (Athensnews)


J'espère, cher lecteur, t'avoir fait réfléchir autant que j'ai pu le faire au sujet de la génération 700euros (j'ai encore mal à la tête). En ce qui me concerne, c'est le meilleur vaccin contre la réalité, je pars m'enfouir dans un roman.

A bon entendeur !

PS : Je te prie de m'excuser pour la longueur de l'article, il y a beaucoup de choses à dire sur le sujet. Et si tu es arrivé jusque là, c'est que soit tu as eu la force, le courage, la détermination... de tout lire, soit tu as osé sauté le corps du texte pour ne regarder que les images (HONTE A TOI !)

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