lundi 22 novembre 2010

To Polytechnio (les détails)

Cher lecteur,

Le sujet d'aujourd'hui est un sujet de grande importance. Il est temps de parler d'histoire, de nationalisme et d'autres grands concepts.
Mercredi 17 novembre est jour férié en Grèce, du moins en ce qui concerne les étudiants et l'administration universitaire. Ce jour est la date anniversaire de la fin de la dictature des colonels en 1973 (pas si vieux, n'est-ce pas ?).
Avec une bande de copains (4 valeureux touristes), je me suis décidée à suivre la grande manifestation (principalement étudiante) qui est organisée ce jour là. Nous retrouvons un grec membre du parti radical de gauche qui nous conseille fortement d'éviter le parti anarchiste et le sien durant la marche. "Bah pourquoi ?" "Oh bah c'est un peu violent, il y a des bombes molotov tout ça..." "Ahh.." Oui, normalement ça calme.
Avant le début de la marche, j'aperçois un début de soulèvement près de ces partis. Notre guide grec me rassure : il s'agit des étudiants membre du parti actuellement au pouvoir (gauche centriste - PASOK) qui ont souhaité participer à la manifestation et qui se sont fait "gentiment" rejeté par la majorité gauchiste. "Ce n'est rien".
La marche commence. Pour faire simple, elle part de l'école polytechnique pour aller jusqu'à l'ambassade américaine. Évidemment, cette trajectoire a un sens, c'est même tout un symbole. C'est donc ce que je vais tacher de t'expliquer, sans pour autant m'engouffrer dans des détails florissants et peut-être peut utiles à l'explication de cet événement. 

Début 1973, la Grèce est sous l'égide du colonel Papadopoulos. Cet homme, secondé par deux autres "leaders" militaires, a pris le pouvoir en 1967, par un coup d'état extraordinairement peu violent mais au combien efficace.
Quoi qu'il en soit, les colonels sont arrivés au pouvoir avec une idée en tête : éradiquer le communisme (Quand je dis éradiquer le communisme, Papadopoulos et ses hommes voyaient en tout mouvement de gauche un parti révolutionnaire dangereux.), rétablir la dignité grecque et sa puissance, notoriété (blablabla) bien évidemment. Il s'agissait de rétablir l'ordre quoi. 

Puisque je t'ai évoqué l'un des objectif de Papadopoulos, tu comprends peut-être mieux quel a été le rôle des États-Unis dans un contexte de guerre froide dans cette prise de pouvoir ?
Après tout, une dictature fasciste est mieux qu'une dictature communiste, n'est-ce pas ? Quelque soit la probabilité d'avènemenent de la dictature communiste d'ailleurs. 
Par ailleurs, la Grèce faisait déjà partie de l'OTAN à cette époque : fourniture de matériel militaire et financement de l'armée permis pas les États-Unis. Et aveuglement de l'ensemble des pays membres face à ce désastre social et politique.
D'où cette volonté de marcher jusqu'à l'ambassade américaine lors de la commémoration de 73.
Alors pourquoi partir de l'école polytechnique ? 

Ce sont les étudiants de cette école qui sont à l'origine de la chute de Papadopoulos. Dès février 73, ceux-ci ont organisé des rassemblements, des protestations contre le pouvoir dans l'université qui jouissait alors d'un droit d'asile (comme aujourd'hui encore). Qui dit droit d'asile dit interdiction aux forces gouvernementales d'y pénétrer.
Raison de plus pour occuper les universités en signe de protestation, jusqu'au moment où la police pénètre les lieux et casse i.e elle disperse le mouvement (bah ouais c'est une dictature, on s'en fout des lois).

A la nouvelle saison universitaire, rebelotte. Les étudiants protestent de nouveau mi-novembre. Cette fois, ils sont plus organisés, et l'ensemble des universités d'Athènes revendique ses droits. Papadopoulos finit par reconnaître l'incapacité de la police à agir sur la foule en colère et décidée...
Il fait donc appel à l'armée. Le 17 novembre 1973, ce sont les tanks qui "dispersent" le mouvement.
on parle de 2400 personnes arrêtées et des dizaines de blessés auraient succombé à leurs blessures dans les jours suivant l'intervention des tanks. Soit plus de 34 morts (chiffre officiel).

Cette série de protestations date le début de la fin pour Papadopoulos, mais pas de la fin de la dictature. Il faudra l'invasion turc à Chypre pour définitivement ramener la démocratie au pouvoir : face à un tel risque de guerre contre la Turquie, le chef militaire au pouvoir préfère faire appel à l'ancien premier ministre pour la mise en place d'un "gouvernement provisoire" (poule mouillée quand même).

J'ai essayé de simplifier le contexte historique mais si tu veux t'intéresser d'un peu plus près au coup d'état de colonels et à leur arrivée au pouvoir : 
http://www.monde-diplomatique.fr/publications/grandsreportages/grece
Ça vaut le coup d'oeil.

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